Proposition
Nous demandons au Conseil d’Etat de créer une base légale visant à combattre les violences conjugales, qui permettrait de mettre en place des prestations adéquates pour toutes les victimes selon la Convention d’Istanbul.
Motivation
La Suisse a ratifié la Convention d’Istanbul le 11 septembre 2013 et s’est engagée à mettre en œuvre ses principes depuis son entrée en vigueur le 1er avril 2018. Cette Convention vise à combattre tout type de violences à l’égard des femmes et la violence domestique. Elle impose aux Etats signataires de renforcer la protection des victimes de violences conjugales, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Elle garantit également la mise en place d’un nombre suffisant de refuges pour les victimes, en particulier les femmes et les enfants (art. 23 de la Convention d’Istanbul).
Le rapport du GREVIO (groupe d’expert-e-s lié à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) de novembre 2022 a émis plusieurs recommandations pour la Suisse. Il impose aux cantons de prendre au sérieux la violence psychologique et ainsi de mettre des moyens financiers suffisants pour soutenir les victimes (et leurs enfants). Il préconise une augmentation des ressources en personnel et financières pour des places de protection en maison d’accueil et une permanence téléphonique H24 pour les victimes.
Le Conseil fédéral a déclaré en réponse au GREVIO que « les cantons vérifient en permanence, dans le cadre de leurs contraintes budgétaires, si les financements des politiques, des programmes et des mesures de prévention et de lutte contre toutes les formes de violence faites aux femmes sont encore adéquats. »[1]. Ces déclarations obligent le Canton de Fribourg à garantir un financement adéquat pour combattre tout type de violences faites contre les femmes.
En Suisse, la loi fédérale sur les victimes d’infractions (ci-après : LAVI) a pour but de fournir une aide efficace aux victimes d’infractions et à renforcer leurs droits, notamment dans le cadre de violences conjugales. Elle impose aux cantons de fournir certaines prestations aux personnes considérées comme victimes selon les termes de la LAVI (art. 12-16). Pour être une victime LAVI, il faut que 3 conditions soient remplies : La personne doit avoir subi une atteinte à son intégrité physique, psychique ou sexuelle. Cette atteinte doit avoir été causée par une infraction pénale. L’atteinte doit être la conséquence directe de l’infraction.
Solidarité femmes a le mandat LAVI pour les femmes majeures et leurs enfants (art. 9 al. 1 LAVI). L’Etat finance sur la base de cette loi le fonctionnement du centre de consultation LAVI ainsi que les prestations accordées aux victimes LAVI (prise en charge des frais médicaux, de thérapie, d’avocat, hébergement à des fins de protection, etc.) qui découlent directement de la loi.
Mais certaines des situations de violence au sein du couple ne sont pas reconnues au sens de la LAVI. Lorsqu’il y a des victimes non LAVI (qui n’entrent pas dans la définition ci-dessus) mais qui sont tout de même des victimes au sens de la Convention d’Istanbul (victimes de violence psychologique, verbale ou économique), le suivi assuré par le service spécialisé pour les violences au sein du couple n’est pas soutenu financièrement par l’Etat et aucune prestation ne peut être attribuée aux victimes et/ou à leurs enfants (ni hébergement, ni soutien psychologique, etc.). En effet, il n’existe, dans le Canton de Fribourg, aucune base légale pour le soutien à ces victimes de violence et pour le financement des prestations adéquates.
Sachant que la violence au sein du couple a de graves conséquences, notamment sur la santé des victimes et sur celles de leurs enfants, qu’elle se répète de génération en génération, que les violences psychologiques et verbales précèdent pratiquement toujours les violences physiques et sexuelles, voire les féminicides, qu’en outre la violence au sein du couple engendre des coûts importants pour la société dans son ensemble, le Canton de Fribourg doit assumer ses obligations et appliquer la Convention d’Istanbul, en mettant en œuvre des prestations pour toutes les victimes de la Convention d’Istanbul, et pas uniquement les victimes LAVI. En effet, avec la signature et la ratification de la Convention d’Istanbul, un soutien aux femmes subissant tout type de violences doit être garanti.
Les obligations cantonales et la nécessité d’avoir une base légale pour la mise en œuvre des prestations pour toutes les victimes selon la Convention d’Istanbul nous poussent à demander au Conseil d’Etat de créer une base légale visant à combattre les violences conjugales. Celle-ci devra permettre de financer les mesures adéquates de soutien à toutes les victimes de violences conjugales, pas uniquement aux victimes LAVI.
Il convient également de mentionner ici que la grande majorité des cantons romands ont une loi sur la violence au sein du couple, qui permet de mettre des moyens à disposition pour la lutte contre les violences conjugales, ainsi que pour le soutien direct aux victimes qui ne tomberaient pas sous la définition de la LAVI. Pour ne citer que quelques exemples, le Canton de Vaud a mis en place une loi d’organisation de la prévention et de la lutte contre la violence domestique (LOVD) et le Canton du Valais a mis en place une loi sur les violences domestiques (LVD).
[1] https://rm.coe.int/grevio-inf-2022-34-comments-from-authorities-2782-5095-8854-v-1/1680a8fc77 (p. 7)