Retrouvez ici le discours de Paolo Pisco lors du Congrès du PS Suisse des 1 et 2 décembre 2018, à Brugg/Windisch.

Cher Président Christian Levrat,

Chères et chers Camarades,

C’est pour moi un privilège et un honneur de participer à ce magnifique Congrès du PS Suisse. Et je vous remercie de votre intérêt pour la situation politique et économique de mon pays ainsi que de m’avoir invité à vous parler du gouvernement portugais et de l’Union européenne, dans la perspective des prochaines élections européennes.

Avec la crise financière débutée en 2008, dont les conséquences se font encore ressentir, le monde a connu un bouleversement. Nous avons vu de nos propres yeux à quel point le capitalisme peut être sauvage. Nous avons compris que la politique avait offert une bonne partie de son pouvoir au monde de la finance, tandis que ce dernier se moque complétement des peuples, de la démocratie et de la production de la richesse réel issue de la terre et des usines.

Dans la tourmente, l’Europe, les pays du sud, le Portugal, mais également beaucoup d’autres pays, ont été touchés avec violence. Ce fût une crise qui a profité au capitalisme, qui lui a permis de saisir l’opportunité d’acheter à bon prix d’importants secteurs économiques stratégiques et a gagner quelques milliards grâce à ce que l’on a appelé la crise des dettes souveraines, alors qu’il s’agissait en réalité d’une grave crise de liquidité bancaire, provoquée par une spéculation financière irresponsable et sans frein.

Le Portugal a alors été contraint de demander un prêt de 74 milliards d’euros. Les gouvernements en place sont tombés. Au Portugal, la droite libérale – ou comme nous l’appelons en Suisse, la droite bourgeoise, à gagné les élections. Et, le gouvernement le plus ultralibéral que notre démocratie ait connu, a réussi à prendre le pouvoir en proposant un programme d’austérité qu’allait bien au-delà des impositions pourtant déjà austères de la troika, composé par le FMI, la BCE et la Commission Européenne.

Nous avons alors vécu une période d’austérité très dure, qui nous a été imposée par l’orthodoxie européenne pilotée par l’Allemagne et accompagné de la droite européenne. Les salaires et les pensions ont été coupés de plus de 20%, les impôts ont connu la plus grande augmentation jamais vue, les services publics se sont dégradés énormément avec la perte de milliers de fonctionnaires et le désinvestissement des services publics, des milliers d’entreprises ont fait faillite, le chômage a grimpé jusqu’à presque 18%, la pauvreté a beaucoup augmenté, et on avons assisté à une émigration qui n’avait jamais été autant élevée depuis les années 60/70, avec plus de 100’000 portugais quittant le pays chaque année, dont environ 20% étaient diplômé-e-s. Le pays était en colère et en tension permanente.

La droite libérale, qui s’est présentée unie aux élections législatives en 2015, à perdu près de 1,5 millions de votes et l’ensemble des partis de gauche ont obtenu une majorité parlementaire de 122 sièges sur les 230 du parlement portugais. Le message des électrices et électeurs était clair et sans appel : plus personne ne voulait de la droite et de sa politique d’austérité et ultralibérale qui avait coupé dans les salaires et les pension, attaqué la protection sociale, qui avait dégradé les services publics et essayé de privatiser toutes les entreprises de l’État.

La gauche était unie pour tourner la page de l’austérité contre l’orthodoxie asphyxiante de la droite qui contrôle l’Union européenne, et qui avait, il nous faut le souligner, une grande majorité de gouvernements de droite libéraux, qui ne voulaient ni d’une économie expansive de récupération des revenus, ni des gouvernements de gauche qui s’annonçaient à l’horizon.

Alors, António Costa, notre Secrétaire General et Premier Ministre, dont les qualités de négociateur sont bien reconnues et ont pu être mises en pratique lors de son mandat de maire de Lisbonne, avec le Parti Communiste et le Bloc de Gauche, deux partis ayant des origines et un ADN très différents l’un de l’autre, a entamé les négociations qui ont mené à la constitution d’un gouvernement du Part Socialiste, avec le soutien parlementaire du Bloc de Gauche, du Parti Communiste et des Verts.

Et donc, portés par les circonstances, les résultats électoraux ainsi que par un nouvel état d’esprit et la détermination d’éloigner la droite libérale du pouvoir, les trois partis de la gauche portugaise ont négocié un accord, que je considère très sage, afin de rebâtir la société portugaise après les dégâts économiques et sociaux provoqués par la droite ultralibérale. Le focus de ce nouveau gouvernement a surtout été mis sur la récupération des salaires et des pensions les plus bas, avec également l’objectif de combattre la pauvreté infantile.

Comme je l’ai mentionné, cet accord fût très sage, grâce à son incidence exclusivement centrée sur les sujets économiques et sociaux pour récupérer les salaires, les pensions et les droit sociaux perdus, pour améliorer le service public et redynamiser les entreprises et l’économie. Les sujets de politique extérieure sont restés hors de cet accord, vu l’existence de divergences claires dans des domaines tels que l’Union Européenne et l’OTAN.

Au début, notre parti s’est confronté à beaucoup de scepticisme, au même titre que le reste de la société, sur la possibilité que cette solution politique innovatrice dans notre démocratie puisse fonctionner.

En réalité, tant le Parti Communiste que le Bloc de Gauche ont toujours pris le Parti Socialiste comme principal rival. Mais, au fil du temps, tout le monde a du se rendre à l’évidence que l’accord fonctionnait, que les partis ne perdait pas leur identité, et qu’il y avait la stabilité politique permettant d’appliquer toutes les mesures de l’accord entre les partis, avec des résultats très positifs qui, peu à peu, devenaient évidents, tant économiquement que socialement : les chiffres du chômage sont passés de presque 18% en 2013 à 6,2% à la fin de cette année; la croissance est au-dessus de la moyenne de l’Union européenne; plus de 350’000 nouveaux emplois ont était créés; les exportations et investissements augmentent toutes les années; le déficit est au plus bas de notre histoire, à tel point qu’on l’estime à 0,2% pour 2019; la dette envers le FMI de 4,8 milliards d’euros sera totalement liquidée l’année prochaine; les impôts baissent tous les ans et les portugais-e-s payeront moins de 1 milliard d’euros d’impôts en 2019; l’écart entre les salaires les plus hauts et les plus bas à diminué et tant d’autres mesures dans le domaine de la santé, éducation, science, culture, etc. ont été prises.

Après une période de forte émigration, le gouvernement fait maintenant  appel aux portugais-e-s travaillant à l’étranger, afin qu’ils et elles reviennent au Portugal, ainsi qu’à tou-te-s celles et ceux qui ne sont pas portugais. Le pays a besoin de travailleurs et travailleuses, bénéficiant toute sorte de qualifications.

À la fin de la troisième année de cette législature, près de 90% des 1’100 mesures inclues dans le programme du gouvernement sont en place ou ont commencé à être appliquées. De cette manière, le Parti Socialiste a réalisé toutes ses promesses faites aux électrices et électeurs, avec ses partenaires et avec l’Union européenne. C’est pour cela également que les sondages nous donnent actuellement un résultat allant au-delà de 40% d’intentions de vote.

Quelle est donc la morale de cette histoire?

Qu’il est payant savoir dépasser les divergences entre partis politiques afin d’arriver à un bien commun. Qu’il est possible de se concerter et de coopérer entre les partis de gauche pour créer un gouvernement solidaire, humain et social, tout en contrôlant les comptes publics avec responsabilité. Que lorsque la gauche est unie, la droite perd. Mais que quand la gauche se divise, la droite prend le pouvoir.

Mon souhait est que cette expérience de gouvernement de gauche fidèle à ses valeurs et principes puisse être source d’inspiration pour la gauche européenne.

En effet, je pense qu’il est fondamental que les partis progressistes en Europe, avec leurs valeurs humanistes, solidaires et inclusives, retournent aux pouvoir en grande nombre. Nous avons besoin d’un raz-de-marée de gauche pour balayer la droite, qui est de plus en plus proche de l’extrême droite, et balayer cette dernière également, qui divise nos sociétés, qui manipule les sentiments des gens, qui utilise la peur et le mensonge comme instrument pour arriver au pouvoir, et qui n’hésite pas à attaquer les institutions démocratiques et multilatérales nées après la II Guerre Mondial pour servir la paix et la prospérité dans le continent.

Chères et chers Camarades,

Les prochaines élections européennes représentent un défi majeur non seulement pour l’Europe, mais pour le reste du monde également. Si la montée des populismes et des nationalismes met en cause l’Union européenne, c’est aussi l’équilibre du monde qui est remis en cause. L’Union européenne est sous le siège des régimes qui lui sont hostiles, qui sont autoritaires, nationalistes, populistes. C’est préoccupant. Et c’est préoccupant car c’est du jamais vu que les États Unis de Donald Trump considèrent l’Union Européenne comme l’un de ses ennemis et se positionne à côté de ceux qui, au Royaume-Uni, défendent le Brexit. C’est également du jamais vu, que la Russie étende son territoire à son aise et finance des partis et mouvements extrémistes qui veulent détruire l’Union européenne. C’est du jamais vu, cette perte de libertés et de garanties démocratiques dans des pays de l’Union européenne, comme la Hongrie et la Pologne. C’est du jamais vu, ce populisme et cette haine de l’autre que nous observons aujourd’hui en Italie avec l’existence de plusieurs partis d’inspiration fasciste et un leader comme Mateo Salvini, qui aime citer Benito Mussolini. C’est du jamais vu, cette influence de l’extrême droite xénophobe, anti-Union européenne et nationaliste, dans les gouvernements et parlements scandinaves. Et c’est également du jamais vu, cette menace de l’extrême droite qui pèse dans des pays fondateurs de l’Union européenne comme la France, l’Allemagne ou la Hollande.

C’est pour tout cela que nous avons besoin de la gauche et de l’Europe, afin d’arrêter cette folie qui est dans l’air, avant qu’il ne soit trop tard. C’est pour cela que nous devons nous réveiller et nous mobiliser avant de devenir victimes, directes ou indirectes, de l’extrémisme de plus en plus menaçant en Europe.

Nous vivons une sorte de néofascisme déguisé dans lequel les juifs et les communistes du passé semblent être remplacés par les migrant-e-s et les musulman-ne-s. Nous vivons un temps dans lequel l’extrême droite s’attaque aux institutions démocratiques, aux élites, aux journalistes, aux académicien-ne-s, aux scientifiques et aux minorités, qui deviennent des instruments de conquête de pouvoir.

Ce n’est pas la droite qui peut sauver l’Europe de sa dérive extrémiste. D’autant plus qu’elle ne résiste plus à l’appel de l’extrême droite, ce qui ne peut que nous conduire vers l’abîme.

Il n’y a que la gauche démocratique et progressiste, incarnée par les partis de notre famille politique, avec leurs valeurs de liberté, de citoyenneté, de respect de l’autre, de protection des droits fondamentaux, de la défense des plus démuni-e-s, la gauche qui a une sensibilité antifasciste et antiautoritaire, qui peut à nouveaux redonner de la tranquillité à nos sociétés.

Nous devons combattre sans hésiter ce cauchemar global renforcé par Donald Trump qui légitime une politique isolationniste, protectionniste, xénophobe et qui s’attaque aux institutions multilatérales et à la démocratie.

La Suisse est un pays extraordinaire par la force de ses principes démocratiques, mais aussi parce que c’est en Suisse que siègent les institutions plus importantes du multilatéralisme qui luttent, avec difficulté, pour donner un peu plus de décence à un monde qui semble avoir perdu la raison. Ne laissez pas des partis comme l’UDC, nationaliste, xénophobe, isolationniste détruire ce qui est non seulement un important patrimoine suisse, mais également un patrimoine de l’humanité.

Le vrai danger qui menace l’Europe n’est pas l’immigration, mais la haine des autres, c’est le racisme et la xénophobie, les inégalités qui divisent nos sociétés. C’est le nationalisme et l’isolationnisme qui séparent et font s’opposer les différents pays.

We must make human empathy great again. Je répète chères camarades: We must make human empathy great again. Et c’est pour cela qu’il nous faut lutter contre ces forces obscures qui veulent détruire nos démocraties.

C’est pour cela qu’il nous faut lutter pour l’EUROPE!

MERCI!

Interlocuteur-trices sur ce thème

Clément Borgeaud

Clément Borgeaud

Porte-parole & campagnes Suisse latine

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