Le chemin a été long depuis le dépôt de la proposition en mars 2013. La lenteur du processus s’explique notamment par l’absence de statistiques sur les violences homophobes ou transphobes en Suisse. Ce manque de données conduit trop souvent le monde politique à nier cette réalité, ou du moins à en minimiser l’étendue et la gravité. Divers indicateurs devraient pourtant nous alarmer. Tous montrent que la violence spécifique à l’encontre des personnes LGBT+ est nettement supérieure à la moyenne. Les agressions homophobes qui ont fait la Une des médias en Suisse romande il y a quelques mois ne sont malheureusement que la pointe de l’iceberg. À titre d’exemple, l’antenne de signalement LGBT+ Helpline, lancée en Suisse en 2016, recense depuis lors plus de deux agressions homophobes ou transphobes par semaine.
Au-delà des cas les plus graves de violence physique, la violence verbale et le harcèlement (notamment en milieu scolaire) font des ravages, engendrent de terribles souffrances et, parfois, tuent. Selon une étude de l’Université de Zurich, 20 % des homosexuels ont tenté de se suicider en Suisse, un chiffre largement supérieur à la moyenne. La moitié de ces passages à l’acte a lieu avant l’âge de vingt ans. Derrière ces données, ce sont des drames humains et énormément de souffrances. L’homophobie tue et il est indigne de rester les bras croisés.
Or, jusqu’à présent, le Code pénal ne réprimait pas les propos homophobes en tant que tels. Cette lacune juridique, qui est d’ailleurs en contradiction avec notre propre Constitution, a été pointée du doigt à plusieurs reprises au niveau international : par le Comité des droits de l’Enfant des Nations Unies, par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance ou, encore, lors de l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Après près de six ans de débats et d’hésitations, le Parlement a enfin accepté de compléter l’article 261bis du Code pénal afin de l’étendre à la haine homophobe. Au même titre que le racisme et l’antisémitisme, l’homophobie ne serait dès lors plus considérée en Suisse comme une simple opinion. Ces incitations à la haine et à la discrimination seraient reconnues comme des délits. Même s’il reste encore beaucoup à faire pour les droits LGBT+, cette modification représenterait une énorme avancée et une protection nécessaire pour des centaines de milliers de personnes en Suisse. Or, cette avancée est aujourd’hui remise en question par un referendum. Avec des méthodes de récoltes de signatures scandaleuses, des groupuscules extrémistes, notamment de l’UDF, sont parvenus à leur fin. Pour celles et ceux qui ont déjà vécu de telles discriminations ou violences, c’est un coup dur. L’aboutissement de ce referendum montre bien que rien n’est encore acquis et que le chemin vers une société plus tolérante est encore long.
Le peuple suisse se prononcera donc le 9 février 2020. Le combat n’est pas gagné d’avance et nous avons besoin de la mobilisation du plus grand nombre. Si ce referendum a évidemment le défaut de retarder encore ce long processus, il permet à la population d’affirmer haut et fort son soutien à une Suisse de la tolérance et du vivre-ensemble. Un grand OUI populaire serait la meilleure réponse à apporter à celles et ceux qui s’offusquent de ne bientôt plus pouvoir inciter à la haine à l’encontre des personnes LGBT+.
Il est temps de fixer une limite et de lancer un signal extrêmement fort : les actes et les propos homophobes ne doivent plus être tolérés en Suisse. La honte doit changer de camp.