Commémorer le 40ème anniversaire de l’adhésion de la Suisse à la CEDH, comme l’a fait le Parlement en Chambres réunies, est un devoir civique des autorités politiques et des citoyennes et citoyens de notre pays. En effet, la CEDH a été et reste pour la Suisse, comme pour les autres pays européens, un instrument juridique essentiel né de la barbarie du totalitarisme qui a ravagé l’Europe dans la première moitié du XXème siècle. Il a été et est un instrument essentiel car il a permis et permet aujourd’hui encore la promotion et la défense des droits individuels face à la puissance de l’État et l’ingérence de l’administration dans la vie de tout habitant. La commémoration et la célébration des acquis de la CEDH se justifient d’autant plus que la CEDH est aujourd’hui l’objet d’un travail de sape idéologique systématique de la droite nationaliste qui s’écarte délibérément de la vérité factuelle et vise à délégitimer l’institution. Pourtant, plus que toute autre institution, elle a protégé, protège et protègera encore chaque individu et toutes les minorités, quelles qu’elles soient, contre tout arbitraire, qu’il soit l’expression de la volonté populaire, du législatif, de l’exécutif ou de l’administration. C’est un acquis de notre civilisation européenne qui contribue de manière déterminante à éviter le retour en Europe de quelque totalitarisme que ce soit.
En Suisse, le débat sur la CEDH a pris une dimension particulière, non pas en raison d’une volonté particulière de la Cour européenne des droits humains de s’ingérer dans nos affaires intérieures, mais par le fait que notre ordre juridique à délégué à cette cour la compétence de juridiction constitutionnelle. En effet, la Constitution fédérale interdit au Tribunal fédéral d’examiner la constitutionnalité des lois fédérales. Ainsi, l’inconstitutionnalité résultant d’une loi fédérale, pour violation d’un droit fondamental, ne pourra être tranchée par le Tribunal fédéral. C’est donc légitimement que des justiciables lésés par une discrimination non examinée par le Tribunal fédéral porteront leur cas devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Aujourd’hui, l’heure n’est pas à la remise en cause de l’adhésion de la Suisse à la Convention européenne des droits de l’homme, mais de conserver son identité, accroître son efficacité et surtout réformer notre ordre juridique pour que notre Haute Cour puisse exercer une compétence constitutionnelle pleine et entière.