Des bas revenus qui trinqueront

L’augmentation de la capacité financière des familles de notre pays a largement été évoquée comme un objectif à atteindre lors des débats parlementaires de juin 2014 sur l’initiative du PDC qui nous amènera à voter le 8 mars prochain. Malgré les sensibilités politiques des différents intervenants, il est clairement ressorti que le pouvoir d’achat des familles avec enfants est une préoccupation commune de tous les partis. L’initiative du PDC « Aider les familles ! » part d’ailleurs sans doute d’une bonne intention, celle de leur venir en aide en misant sur l’exonération fiscale des allocations pour enfants et jeunes. Pourtant, elle rate non seulement le coche, mais elle pourrait également avoir des conséquences négatives pour la grande majorité des familles qui vivent sur notre territoire.

Le PDC semble aimer les familles mais pas toutes avec la même intensité ! Nous allons le voir avec ce qui suit.

D’abord, parce que l’effet principal de cette initiative est l’iniquité. Pour l’étayer, prenons un exemple. Celui de l’exonération dont bénéficierait un ménage lausannois composé de deux parents et de deux enfants, un de 14 ans et un de 17 ans, famille au bénéfice d’allocations familiales pour un montant total de 6360 francs par année.

Si cette famille dispose de 250’000 francs bruts par année (ce qui correspond à environ 20’000 francs par mois), il s’agit donc d’une famille aisée, la réduction s’élèverait à 2478 francs sur la facture fiscale cantonale et communale.

Si cette famille dispose de 120’000 francs bruts par an (environ 9600 francs par mois), nous sommes face à une famille de la classe moyenne supérieure, la réduction serait de 1372 francs sur la facture fiscale cantonale et communale;

Enfin, si la même famille dispose de 50’000 francs bruts, ce qui revient à environ 4000 francs par mois et donc d’une famille vivant dans la précarité, la réduction serait de 314 francs.

La conclusion à tirer de cet exemple est la suivante : plus les ménages disposent de revenu imposables, plus la réduction est forte. La raison en est simple : au niveau fédéral d’une part, en raison de la forte progressivité de l’impôt fédéral direct (IFD), seules la classe moyenne supérieure et les personnes à hauts revenus bénéficieraient de l’exonération. En revanche, l’initiative ne rapporterait rien aux ménages qui ne sont de toute manière pas ou peu soumises à l’IFD alors que ce sont justement ces familles-là qui auraient le plus besoin d’aide.

D’autre part, l’effet sur l’impôt cantonal que j’ai évoqué tout à l’heure, se distribue lui aussi de façon incorrecte : il reviendrait à offrir d’un côté une semaine de vacances de ski aux familles aisées et de l’autre côté deux soirées cinéma aux familles modestes !

Ensuite, ces cadeaux fiscaux représenteraient un substantiel manque à gagner de l’ordre d’un milliard de francs pour la Confédération dont 760 millions pour les cantons. Et lorsque, pour compenser ces pertes fiscales, on baissera les subsides aux assurances maladie, on fera des économies dans l’école ou qu’on augmentera les prix des transports publics, ce sera la classe moyenne qui paiera très cher un petit allègement d’impôts. Cette double pénalisation des familles constitue un autre argument contre l’initiative du PDC.

Les familles qui se situent en bas de l’échelle reçoivent, heureusement, des soutiens publics pour garantir leur niveau de vie. Les familles aisées ne sont pas celles qui ont un besoin urgent d’aides à hauteur de plusieurs milliers de francs par an. Les familles dont les besoins sont importants et criants sont celles de la classe moyenne – et elles ne bénéficieront pas ou si peu des effets de cette initiative qu’il ne vaut pas la peine de risquer de telles pertes pour des effets si mal ciblés !

Interlocuteur-trices sur ce thème

Clément Borgeaud

Clément Borgeaud

Porte-parole & campagnes Suisse latine

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