Ces quelques phrases ne sont pas issues d’un éloge personnel de la grande muette, mais de l’article 58 de notre Constitution.
Le cadre est donc posé : en Suisse, l’armée a pour objectif d’aider les pouvoirs publics à faire face à des situations d’exception. Depuis la Bataille de Marignan en 1515, force est de constater que l’armée suisse a plutôt été engagée pour aider les pouvoirs publics que pour résoudre des conflits armés mettant en péril notre pays.
Actuellement, pour faire face à la pandémie de coronavirus, 5 000 militaires sont mobilisés en Suisse, et, si les remerciements vont bon train, les rapports médiatiques témoignent d’une gestion dramatiquement inquiétante de cette mobilisation. Un article de la RTS datant du 27 mars expose les faits : manque de dépistage, formation plus que sommaire, logements inadaptés au contexte… Si la grande muette a pu convoquer des milliers de personnes, elle a rapidement été démunie lorsqu’il a fallu gérer ce personnel.
Tentons une réflexion : petite, isolée au centre de l’Europe, membre de nombreuses alliances internationales, il reste peu probable que la Suisse soit prochainement engagée dans un conflit armé. Il est également peu probable que, si un tel conflit devait éclater, il puisse être réglé à grand renfort de tanks (la guerre informatique constitue aujourd’hui une plus grande menace).
L’organisation de l’armée montre qu’il y a un problème de fond : dans le contexte actuel et avec un profil de prestations nécessitant des soldats formés aux soins, à l’appui logistique, à l’aide en cas de catastrophe, il est pour le moins curieux de remarquer que les grandes unités de chars blindés, d’artillerie ou encore de fusiliers composent encore et toujours la très large majorité de l’effectif de notre armée, expliquant sans doute le manque de pertinence dans la manière dont les forces sont aujourd’hui engagées.
Mais l’idée qu’une large partie de la population soit formée au travail de soins ou à l’aide en cas de catastrophe, à l’appui aux administrations, n’est de loin pas à écarter. Mais pour cela, nous avons moins besoin de guerriers que de personnel soignant.
En parallèle, la protection civile agit. Plus de 5 000 personnes y sont également mobilisées. Son profil de prestations est largement plus pertinent dans le contexte actuel que la majorité des forces armées de notre pays. Nul besoin de réapprendre à tirer, il faut aider concrètement, au plus proche des autorités civiles.
Une réforme fondamentale de la notion de service obligatoire devrait être discutée urgemment : plutôt que de faire fondre les deniers publics au soleil de guerres supposées, former l’ensemble de notre population à aider efficacement la société civile en cas de besoin, à moindre coût, devrait être la priorité.
Clément Borgeaud
Vice-secrétaire central de la JS Suisse