Les programmes d’économie de la Confédération que nous avions combattus avec succès en 2013 reviennent sur le tapis avec la détérioration des comptes de la Confédération, due à la chute des recettes de l’impôt fédéral direct et l’appréciation du franc suisse. A l’heure où tout le monde y va de sa recette pour assainir les finances fédérales, il me paraît indispensable de démonter certains mythes véhiculés par les médias, en particulier en Suisse alémanique.
Tout d’abord, il faut cesser de dénoncer le coût des fonctionnaires. Rappelons que ce statut a disparu il y a 14 ans déjà et que la révision de la loi sur le personnel de la Confédération de 2013 a aligné les conditions d’engagement du personnel fédéral sur celles du secteur privé. Cessez d’affirmer que l’administration est gloutonne, en vous souvenant que la quote-part de l’Etat suisse – à savoir le rapport entre le PIB et les dépenses pour le service public – est non seulement très basse en comparaison internationale, mais aussi en constante diminution depuis 2000.
Je tords également le cou au mythe selon lequel les salaires moyens des employé-e-s de la Confédération sont supérieurs à ceux du secteur privé. Selon une étude effectuée par l’Office fédéral du personnel, c’est globalement faux et cela dépend des branches d’activité. Dans les assurances, les banques et l’industrie pharmaceutique, les rémunérations sont bien supérieures à celles qu’obtiendraient les mêmes employé-e-s au sein de l’administration publique. Ce qui a pour conséquence de pousser les salaires du personnel fédéral vers le haut, puisque c’est le seul moyen d’attirer des personnes compétentes dans le service public. De plus, l’évolution de la société incite les offices à recruter un nombre croissant de spécialistes, coûtant par définition davantage que des généralistes. Reste qu’en 2013, la hausse salariale a été supérieure dans le privé (+0,9%) par rapport à la Confédération (+0,5%), et cela sans prendre en compte les bonus, inconnus au niveau fédéral.
Dans son article (LT du 21.02.2015), Bernard Wüthrich soulignait que les charges liées au personnel fédéral ont fortement augmenté entre 2012 et 2013. C’est principalement dû à une contribution unique versée à la caisse de pension des gardes-frontières et des militaires professionnels lors de l’introduction du nouveau système de retraite.
Le Conseil fédéral a néanmoins décidé de geler les charges de personnel à leur niveau de 2015, soit un peu plus de 5,5, milliards de francs. Il renonce ainsi aux 100 millions supplémentaires prévus dans la planification financière. J’estime que c’est une très mauvaise idée à l’heure où les attentes envers l’administration croissent. Par exemple, il faudra bien engager du personnel pour gérer et accélérer les procédures d’asile, ou encore pour renforcer le travail des instances de contrôle, comme la Finma.
La droite et les milieux économiques exigent que les effectifs du personnel fédéral restent stables ces prochaines années, ce qui est en totale contradiction avec le développement exponentiel du cahier des charges de l’administration. Entre 2009 et 2013, le nombre de postes n’a augmenté que de 2,7%, une peccadille par rapport à la croissance démographique et l’attribution d’une ribambelle de nouvelles tâches aux employé-e-s fédéraux. Pour la même période, cette augmentation a atteint 6% dans le privé.
L’UDC va encore plus loin en exigeant que l’effectif du personnel fédéral soit ramené à son niveau de 2007, soit la suppression de pas moins de 2600 postes. Totalement irréaliste et irresponsable, cette position reste heureusement marginale. Ce parti, qui juge l’appareil administratif «complètement boursouflé», fait preuve d’un manque de respect crasse vis-à-vis de nos institutions. Il oublie un peu vite que si la Suisse est un pays prospère, c’est parce qu’elle peut compter sur un service public de qualité, en grande partie responsable de la cohésion sociale dans notre pays.
Les médias aussi doivent cesser leur campagne de dénigrement de l’administration fédérale. Par le biais des marchés publics, la Confédération fournit de nombreux mandats à l’économie privée, ce qui génère des emplois et favorise la croissance. Restons donc pragmatiques et loin des idéologies : considérons l’administration, non comme l’adversaire, mais comme l’alliée du secteur privé.