Un titre mensonger
Que demande réellement cette initiative ? Commençons par nous arrêter sur son titre, qui ne correspond absolument pas au contenu proposé. Intitulée « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire », cette initiative aurait dû être renommée « initiative contre l’éducation sexuelle ». Pour cela, il aurait fallu un minimum de courage et d’honnêteté de la part des initiants.
Avec ce titre, ces derniers entendent nous faire croire que leur texte entend protéger les enfants. En réalité, c’est exactement l’inverse : en cas d’acceptation, les enfants seraient privés de leur droit à l’information et à la protection.
En outre, la portée de l’initiative ne concerne pas que l’école maternelle et primaire, mais bien tous les enfants et jeunes de ce pays, jusqu’à 18 ans. Voilà pour le titre.
Le système actuel fonctionne bien
Pour pouvoir se prononcer sur ce texte, il faut tout d’abord connaître le système actuellement en vigueur. Ce dernier varie légèrement d’un canton à l’autre. Ainsi, ceux-ci, avec les écoles et les spécialistes en Santé sexuelle mettent en place des cours de prévention des abus et d’éducation à la santé sexuelle adaptés, avec professionnalisme et en collaboration avec les parents et les enseignants.
Lorsque les défenseurs de l’initiative osent parler de sexualisation à l’école, voire de pornographie, ils sont tout simplement à côté de la plaque. La réalité est tout autre : les jeunes et les enfants sont exposés à de nombreuses informations sur ce sujet, via internet notamment. Mais ces informations sont souvent erronées, incohérentes, dénaturées, et humiliantes pour les femmes. L’éducation sexuelle doit justement permettre de corriger ces images par une information sérieuse.
Des propositions aberrantes et rétrogrades
L’initiative propose d’inscrire dans la Constitution que « l’éducation sexuelle est l’affaire des parents. » Une telle proposition est tout simplement inutile. Les parents sont déjà les premiers responsables de l’éducation sexuelle des enfants, comme le prévoit le Code civil (CC, art. 302). Mais cet article du Code civil prévoit parallèlement que les parents collaborent avec l’école « de façon appropriée ». L’école a donc, dans ce domaine également, un rôle complémentaire. Il s’agit tout simplement d’un droit pour les enfants et les jeunes : le droit à la formation et à l’information.
L’initiative concède ensuite la possibilité de dispenser un cours de prévention des abus dès l’école maternelle, mais en interdisant d’aborder dans ce cadre l’éducation sexuelle.
Une telle proposition est tout simplement aberrante. Faire de la prévention des abus sans parler d’éducation sexuelle est impossible, comme le confirment tous les spécialistes ! Ce serait comme vouloir faire de la prévention routière sans expliquer ce qu’est une voiture ! Il ne peut y avoir de prévention des abus sexuels sans transmettre des connaissances de base, de façon évidemment adaptée à l’âge des enfants. Les défenseurs de cette initiative sont en total décalage avec la réalité du terrain et mènent un combat purement dogmatique.
Enfin, dans les alinéas suivants, l’initiative définit sa vision de la future éducation sexuelle en Suisse :
- Un cours facultatif pourra être dispensé pour les enfants de plus de neuf ans et uniquement par le maître de classe.
- Un cours obligatoire pourra être dispensé pour les jeunes de plus de douze ans mais uniquement par l’enseignant de biologie et n’abordera que la question de « la reproduction et du développement humains ».
- Aucun autre cours ne pourra être dispensé.
Ces propositions posent tout d’abord un problème pratique, en inscrivant des âges minimaux dans la Constitution. Les initiants semblent l’ignorer mais il y a bien souvent deux ou trois classes d’âge différentes par année scolaire. Sa mise en œuvre serait extrêmement problématique, comme le confirment les divers responsables du domaine de l’éducation de notre pays.
De plus, limiter la question de la sexualité humaine à de la biologie est totalement réducteur et rabaissant pour les hommes et les femmes !
Surtout, les conséquences concrètes d’un tel texte sont tout simplement inacceptables : en effet, en cas d’acceptation du texte, on verra des jeunes (et pas uniquement des enfants puisque l’initiative concerne tous les jeunes de moins de 18 ans, y compris après la scolarité obligatoire) qui n’auront jamais, avant 18 ans, de cours d’éducation sexuelle abordant des éléments essentiels tels que la problématique des grossesses non désirées, ou la protection contre le sida et les IST en général. C’est tout simplement irresponsable ! Tant le mandat constitutionnel de l’école que l’égalité des chances sont bafoués.
Enfin, l’initiative est une attaque contre le fédéralisme et contre un système qui fonctionne très bien dans les cantons. A titre d’exemple : en Suisse romande (mais aussi au Tessin et dans certains cantons alémaniques), ce sont des spécialistes extrascolaires qui interviennent dans les classes. Cette pratique, qui fait ses preuves depuis plus de 50 ans, serait interdite en cas de « oui ».
NON, au nom des droits de l’enfant
Le texte proposé est une attaque frontale contre les droits élémentaires des enfants, fondés sur de nombreuses conventions internationales, dont la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant. Il s’agit d’une attaque contre le droit des enfants à l’information, la prévention et la protection contre les abus sexuels. Ainsi, pour des motifs purement dogmatiques, ce texte met en danger les enfants de notre pays. A nous de nous engager pour porter ce message et préparer un refus cinglant de cette initiative en votation populaire !