Rien que l’intitulé complet de l’initiative me laisse songeuse: «Halte à la surpopulation» et «Oui à la préservation durable des ressources naturelles». A l’examiner de plus près, c’est du Schwarzenbach à la sauce développement durable….En exigeant que la population résidente permanente n’augmente pas de plus de 0,2% par an, on s’expose à une hausse programmée du travail temporaire et précaire. Avec, pour conséquence, une forte pression sur les salaires dans les branches concernées, qui se répercuterait ensuite sur les salaires de l’ensemble des employé-e-s de Suisse.
Dans son deuxième volet, le texte a des relents colonialistes. Les initiants veulent que 10% de l’aide au développement versée par la Suisse finance des politiques de planning familial, afin de freiner la croissance de la population mondiale. On croit rêver… La Suisse doit-elle financer dans les pays du Sud une police de la pilule contraceptive et des préservatifs?
Si nous décidons un jour de nous lancer dans cette discutable mission, j’ose espérer qu’on commencera par investir dans la formation des femmes et des filles, puisqu’on sait désormais que, mieux elles sont formées, mieux elles peuvent contrôler les naissances.
L’initiative contient aussi une bonne dose d’arrogance, à essayer de faire croire que les plus pauvres sont responsables de la destruction massive des ressources naturelles. Au Conseil national, elle n’a pas récolté une seule voix en sa faveur. Même l’UDC la rejette sèchement. Certes, la droite nationaliste a été comblée par l’aboutissement de sa propre initiative sur l’immigration de masse le 9 février. Mais elle ne se reconnaît pas dans un texte encore plus extrémiste, qui a risqué d’être invalidé pour son manque d’unité de la matière.
Nous pourrons modifier à l’envi notre politique de migration, avec la clause de sauvegarde, avec des contingents, en réintroduisant le scandaleux statut de saisonnier. Cela n’aura aucun effet positif sur la qualité de vie dans notre pays. Car la clé de voûte de l’équation ne se trouve pas dans le nombre, mais dans le projet politique qui l’accompagne. Notre société a les moyens de proposer un projet politique qui permet aux habitant-e-s, quel que soit leur nombre, de bénéficier d’une bonne qualité de vie. Reste à sortir du prisme étroit immigration-surpopulation dans lequel les populistes de toutes sortes nous enferment. En commençant par suivre l’exemple des deux Chambres fédérales et rejeter absolument cette initiative le 30 novembre prochain.