Article publié par Fabienne Freymond Cantone, membre de la Municipalité de Nyon et candidate au Conseil Nationale sur le Blog de Le Temps le 9 octobre 2019.
Malgré certains problèmes, notre réseau de transports publics reste l’un des meilleurs du monde. L’un des plus chers aussi. La démission du directeur des CFF annoncée pour la fin 2020 ouvre une nouvelle ère. Pour des raisons à la fois écologiques, économiques et sociales, le prix du billet peut et doit baisser. Nous disposons pour cela d’un outil simple et efficace : le changement du taux de TVA applicable aux titres de transport.
Les vacances portent conseil et plusieurs réflexions sont nées de mes voyages dans diverses régions de Suisse en transports publics cet été. Si tout n’est pas parfait au royaume des CFF et de Car Postal, et divers épisodes ces derniers mois sont là pour nous le rappeler, j’ai été impressionnée par la densité de notre réseau, le confort général des transports publics (TP), la régularité des correspondances, et la ponctualité générale. Alors que Car Postal entame une mue après sa comptabilité plus que créative de ces années passées, et que le directeur des CFF a donné sa démission pour fin 2020, l’enjeu crucial de la mobilité publique sera, à mon avis, pas tant le développement des infrastructures, déjà acté, mais celui des tarifs. Ainsi, il ne suffira pas de stabiliser les prix, et ce même si les investissements vont augmenter massivement, mais il s’agira de les baisser. Ma proposition est simple: plutôt que taxer les TP au taux plein de la TVA, c’est celui de 2.5%, destiné aux biens essentiels et d’usage journalier qu’il faut appliquer.
Billets subventionnés mais trop chers
J’ai profité de mon abonnement général (AG) lors de mes déplacements suisses, avec un grand sentiment de liberté et de facilité. La somme déboursée de 3’860 francs pour cet AG, pourtant importante, ne couvre de loin pas les vrais coûts des voyageurs fréquents. De même, les pouvoirs publics subventionnent nos billets de train, bus, et bateaux ; nos TP ne couvrent que partiellement leurs coûts de fonctionnement et d’investissements par leurs recette propres. Ceci dit, même si les tickets de train et de bus sont soutenus en partie par les autorités, ils sont perçus comme chers, trop chers. Le Surveillant suisse des prix, M. Prix, le dit : la santé et les transports publics restent les préoccupations majeures des Suisses en matière de cherté ; la comparaison de prix entre train et covoiturage est défavorable au premier.
Appliquer un taux moindre
En considérant :
- la nécessité d’agir pour le climat, et d’intensifier l’usage des transports publics, très économiques en termes de consommation d’énergie par personne,
- l’excédent ordinaire de 2.9 milliards de francs aux comptes 2018 de la Confédération,
- le fait que des pays, tels la France et l’Allemagne, assujettissent les transports à un taux spécial, inférieur au taux ordinaire de taxe à valeur ajoutée,
il est évident que la Suisse doit faire de même.
La mesure que je propose, pour faire simple, serait d’appliquer aux billets de transports publics la TVA au taux réduit pour les produits de base, soit 2.5%, plutôt que le 7.7% employé maintenant. Cette modification de taux ne nécessiterait pas de votation populaire, la Constitution fédérale, base légale de la TVA, ne définissant pas le panier des taux réduits ou pleins (art. 130).
En chiffres, cette baisse de taux de TVA donnerait, en grosses lignes :
- les recettes des titres de transport (dans tous les TP suisses) sont de 5.9 milliards de francs
- les recettes de TVA sur cette somme se montent à 450 millions de francs environ ;
- une réduction du taux de TVA telle que proposée permettrait une baisse de 300 millions de francs du prix des transports voyageurs au global, soit une réduction des prix d’environ 4%.
Bref, le signal serait enfin positif pour une population d’usagers qui a vécu une évolution des prix à la hausse sur le rail plus forte que celle sur la route (Source : Union Suisse des Transports Publics UTP – Faits et arguments concernant les transports publics suisses).
En parallèle à cette mesure, d’autres sont à prendre, comme celle proposée par le Conseiller national Roger Nordmann, d’augmenter la limite d’âge de l’abonnement demi-tarif de 16 à 21 ans. Ainsi les jeunes seraient encouragés à rester fidèles aux transports publics plutôt que de passer à la voiture et à la moto, accessibles depuis 18 ans. Pour les jeunes encore, la suppression de la Voie 7 a certainement découragé leur emploi nocturne des TP ; cette décision mériterait d’être révisée. Enfin, les billets dégriffés, une offre intéressante des CFF développée ces dernières années, devrait aussi être disponible en gare, maillon essentiel du service public : tout le monde n’est pas forcément à l’aise avec un téléphone intelligent pour prendre son billet.
Le domaine de la mobilité est en plein chambardement. Les CFF viennent de signer un contrat avec une start-up lucernoise, Axon Vibe, pour développer et commercialiser une application informatique qui permettra de planifier son voyage et de réserver différentes offres de mobilité tels que la voiture, le vélo, le tram, le train ou la trottinette électrique, combinés à volonté et de façon simple, en fonction des besoins des voyageurs (communiqué de presse du 27 août 2019). Ceci va nécessiter une remise à plat du système de tarification des transports, ce qui est réjouissant. Cela le sera d’autant plus si une baisse des tarifs des transports publics se faisait enfin. On doit viser des tarifs incitatifs pour fidéliser les voyageurs actuels et attirer les autres. Ce doit être la priorité de la nouvelle direction des CFF.