Libre circulation : entre dérégulation et colères sociales

Dès novembre et jusqu’aux élections fédérales de 2015, la Suisse va se soumettre à un exercice périlleux. Trois votations alimenteront la tension : l’initiative sur l’immigration de masse, l’initiative ECOPOP et le possible référendum sur l’extension de l’Accord sur la Libre Circulation des Personnes (ALCP) avec l’Union Européenne à la Croatie. Jamais la Suisse n’aura aussi fortement remis en jeu son modèle économique et migratoire.

Dès novembre et jusqu’aux élections fédérales de 2015, la Suisse va se soumettre à un exercice périlleux. Trois votations alimenteront la tension : l’initiative sur l’immigration de masse, l’initiative ECOPOP  et le possible référendum sur l’extension de l’Accord sur la Libre Circulation des Personnes (ALCP) avec l’Union Européenne à la Croatie. Jamais la Suisse n’aura aussi fortement remis en jeu son modèle économique et migratoire.

Première étape, l’initiative «contre l’immigration de masse» du 9 février vise la mise en place d’un régime de contingents et la fin de l’ALCP. La proposition consiste à bricoler une politique migratoire fondée sur des contingents globaux et à nous faire revenir 50 ans en arrière. Au temps où les saisonniers n’avaient aucun droit, cachaient leurs enfants et étaient exploités sans vergogne.

Les contingents, des instruments de dérégulation

Réinstaurer des contingents, c’est oublier les leçons du passé. Nous avons abandonné cet instrument parce qu’il s’est révélé inefficace et dangereux pour notre économie. Ce système implique une planification étatique du nombre de permis et un arbitrage sauvage entre les demandes concurrentes des différents secteurs de l’économie. A aucun moment, il n’a fait baisser le solde migratoire. Tout au plus, il a fait augmenter l’immigration irrégulière et a provoqué une mauvaise allocation de ressources. Par exemple, au cours des années 1960, le système des contingents de saisonniers a contribué à renforcer des secteurs pour lesquels l’économie suisse ne possédait pas d’avantages concurrentiels, comme l’agriculture. Mais ce n’est pas tout. Aujourd’hui, sa remise en œuvre ferait sauter les mesures d’accompagnement liées à l’ALCP et faire exploser le dumping salarial. Dans ce contexte, la capacité du partenariat social à recomposer un nouveau filet social est difficile à envisager.

La libre circulation, un modèle de croissance solide

Contrairement à ce qu’affirme l’UDC, la migration n’est pas un phénomène autonome. Elle est intrinsèquement liée à la santé économique. La croissance entraîne une demande de main d’œuvre, si celle-ci reste limitée, c’est la récession ou la décroissance. Aujourd’hui, l’économie suisse croît mais souffre d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. L’ALCP permet de compenser ce manque et de soutenir la compétitivité de l’économie suisse en important la main d’œuvre qualifiée dont elle a besoin. En le remettant en cause on hypothèque notre modèle de croissance économique. Soutenir que le retour aux contingents est bon pour le pays est une erreur politique majeure.

Colères sociales autour de la libre circulation

Malgré son absurdité, le risque que cette initiative passe est réel. En cela, les élections genevoises de novembre dernier ont sonné comme un avertissement. Ce phénomène n’est pas nécessairement une fronde de nature droitière et xénophobe. Les cantons métropolitains sont confrontés à d’importants défis relatifs à la gestion de la croissance démographique et économique en lien avec les infrastructures, les logements et surtout la sous-enchère salariale. Voyant leurs revenus stagner et leur qualité de vie diminuer, des catégories de population partagent désormais une insatisfaction face aux conséquences de l’adaptation forcée au modèle économique globalisé, la libre circulation des personnes étant l’une de ses déclinaisons.

Cette donne est en train de reconfigurer les rapports de force politique. Car si notre modèle de croissance produit des richesses et fait venir efficacement des personnes étrangères spécifiques dont nous avons besoin, reste à insuffler une nouvelle politique répondant réellement aux besoins de la population. Au-delà des discours moralisateurs et lénifiants sur l’ouverture, il nous faut prendre au sérieux cette colère sociale. Si le marché doit réguler le nombre de permis, l’Etat doit piloter le cadre économique et social.

Face à ces enjeux, l’attentisme risque de plomber le marathon politique devant nous. C’est pourquoi les forces politiques et partenariales qui ont conscience des enjeux et du danger que représente l’initiative UDC, devraient rapidement pouvoir mettre en place des mesures d’accompagnement renforcées.

Interlocuteur-trices sur ce thème

Clément Borgeaud

Clément Borgeaud

Porte-parole & campagnes Suisse latine

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