Depuis que la Covid-19 focaliser toute l’attention mondiale, les abus dans les camps de réfugié-e-s aux frontières de l’Europe sont fortement relégués au second plan – bien que la situation des personnes migrantes se soit massivement aggravée au cours de l’année dernière. Les conditions de vie précaires dans les tentes, le manque d’accès à l’eau courante et à des soins adéquats rendent impossibles les mesures de protection les plus simples. C’est pourquoi plus de trente communes suisses demandent à la conseillère fédérale responsable de la question, Karin Keller-Sutter, d’évacuer enfin ces personnes et de leur donner accès à une procédure d’asile fondée sur l’État de droit, comme le prévoit la Convention de Genève sur les réfugié-e-s.
Bien avant de frapper aux portes de l’Europe et de venir « s’échouer » dans les camps de Grèce, de Croatie, de Bosnie-Herzégovine ou d’autres pays, les réfugié-e-s sont soumis à des souffrances inimaginables pour nous. Les personnes pouvant légitimement prétendre à l’asile sont contraintes de se frayer un chemin vers l’Europe et la Suisse de manière illégale, avec l’aide d’organisations criminelles de passeurs et dans des circonstances mettant leur vie gravement en danger – tout cela pour simplement déposer une demande d’asile. Depuis 2014, plus de 21 000 personnes sont mortes dans leur fuite, rien qu’en Méditerranée. Cela représente dix personnes par jour ! Il faut enfin mettre fin à ce drame, qui est en partie causé par nos lois.
La crise s’intensifie
Nous demandons donc, avec le dépôt de deux motions, que la Suisse réintroduise la possibilité de demandes d’asile depuis ses ambassades. Celle-ci a été abolie en 2012 avec la révision de la loi sur l’asile. Le Conseil fédéral voulait alors éviter que la Suisse soit le seul pays européen à offrir cette possibilité. (Ceci est particulièrement paradoxal, car les mêmes cercles politiques qui ont soutenu cette abolition insistent par ailleurs sur l’essentielle indépendance vis-à-vis de l’UE). Depuis lors, la situation s’est détériorée, la crise humanitaire s’est aggravée et les chemins empruntés par les réfugié-e-s vers la Suisse sont devenus encore plus ardus. Nous en connaissons aujourd’hui les conséquences dramatiques.
Le plus important avec la possibilité de déposer une demande d’asile depuis une ambassade est que les personnes concernées n’auraient plus à parcourir plusieurs milliers de kilomètres depuis la Syrie, le Liban ou la Libye jusqu’en Europe, au péril de leur vie, pour demander l’asile en Suisse. Si elles ont droit à l’asile en vertu de la Convention de Genève sur les réfugié-e-s et de la législation suisse, elles peuvent présenter cette demande directement à l’ambassade suisse locale. La logique est simple : les personnes qui reçoivent une décision positive sont aidées à entrer dans le pays, toutes les autres ne le sont pas.
La Suisse détermine les critères d’asile
Le Conseil fédéral et les partis conservateurs s’opposent au dépôt de demandes d’asile en ambassade. Ils ne reconnaissent pas que c’est une manière plus ordonnée d’organiser une procédure d’asile et ils oublient que la définition de la procédure ne change pas les critères d’admission. Au vu de la tragédie en Méditerranée et de la situation actuelle dans les camps de réfugié-e-s, la possibilité de demande d’asile en ambassade n’est pas seulement justifiée, mais constitue notre responsabilité historique.