Actuellement, le travail de nuit n’est autorisé que si l’on peut prouver que des raisons techniques ou économiques le rendent indispensable. Or, on ne saurait prétendre aujourd’hui que, techniquement, il est indispensable d’ouvrir les shops durant la nuit ni que, économiquement, ce soit pour ces shops une question de survie. Toutefois, la nouvelle réglementation autoriserait le travail de nuit sans qu’il faille prouver sa nécessité technique ou économique. Si la modification de la loi est adoptée, d’autres entreprises ne tarderont pas, elles aussi, à exiger un travail de nuit sans qu’il existe une nécessité technique ou économique. Ainsi, nous changerions la justification du travail de nuit.
Or, on sait que c’est dans le commerce de détail que les conditions de travail sont les plus précaires et les moins bien respectées. Les salaires sont bas. Les conventions collectives de travail y sont rares. Le travail sur appel y est largement répandu, ce qui complique la vie sociale et familiale du personnel. Travailler la nuit n’est souvent pas un libre choix mais une contrainte, dans des familles souvent monoparentales. De nombreuses études ont révélé que le travail nocturne est nocif pour la santé.
Ces dernières années, les propositions de libéralisation des heures d’ouverture des commerces ont été nettement rejetées dans les cantons. A Genève, la votation en novembre 2010 sur l’ouverture des magasins a donné une majorité claire (56,2%) à celles et ceux qui excluaient la possibilité pour les commerces d’ouvrir jusqu’à 20h cinq jours par semaine, jusqu’à 19h les samedis et trois dimanches par an. Les récentes votations sur l’ouverture des magasins dans les cantons de Zurich et de Lucerne ont montré que la population ne souhaitait pas faire du shopping ou des achats nuit et jour. Depuis 2006, ce ne sont pas moins de treize votations cantonales qui ont eu lieu sur l’extension des horaires et la libéralisation plus marquée du droit du travail. Le peuple a dit non dans plus de 90% des cas. Et la droite veut faire croire que cela répond à une demande de la population !
Au parlement, en cinq ans, ce ne sont pas moins de dix interventions dans ce sens qui ont été présentées au niveau fédéral, un fusil à répétition orchestré par des lobbyistes. Pour exemple, une motion en faveur d’une ouverture généralisée des commerces jusqu’à 20 heures a déjà été acceptée au Parlement. C’est là l’expression d’une volonté de libéralisation généralisée ; une détérioration massive annonce des conditions de travail pour le personnel de vente.
Cette votation est un ballon d’essai qui fait pression sur les horaires traditionnels, pour prolonger les horaires d’ouverture le soir et le samedi et pour faire sauter l’interdiction des travailler la nuit et le dimanche. Une question à la fois de qualité de vie, repos oblige pour tous, et de dignité sociale pour les employé-e-s.
C’est un changement énorme de paradigme. Est-ce vraiment ce dont la Suisse a besoin ? Le peuple a déjà répondu quasiment à chaque fois non à cette question. Les partisans des ouvertures 24/24 appliquent la vieille tactique du « salami » pour un jour obtenir des ouvertures maximales de tous les commerces, cette fois, les sations-services, et la prochaine fois?