L’équilibre du paquet vaudois
Trois principes permettent l’équilibre du paquet vaudois. Premièrement, tous les bénéfices, quelle que soit leur origine, sont pris en compte sur un pied d’égalité dans le calcul du bénéfice imposable. Il s’agit là de l’aboutissement d’une longue lutte du PS. Deuxièmement, en contrepartie de cet élargissement de l’assiette fiscale, le taux d’imposition global du bénéfice passe d’environ 23 % à environ 14 %, avec une légère variation d’une commune à l’autre. Globalement, la manœuvre augmente un peu la charge fiscale des grandes entreprises internationales et baisse celle des entreprises actives sur le marché local, rétablissant enfin l’égalité de traitement.
Dans l’ensemble, il en résulte une perte de recettes non négligeable, mais encore supportable pour notre canton et nos communes. Au plan de l’équité, cet allégement pour les personnes morales est contrebalancé par une amélioration de plusieurs prestations sociales, à laquelle les entreprises contribuent, notamment par l’entremise des cotisations d’allocations familiales. Il va sans dire que l’excellente santé financière du canton de Vaud a rendu cet exercice plus facile que dans un canton hautement déficitaire.
Les scandaleuses astuces de la RIE III fédérale
Soi-disant pour attirer de nouvelles entreprises ou maintenir celles qui sont ici, la réforme fédérale III accumule les astuces qui permettent de réduire le bénéfice imposable dans le droit cantonal. Tout d’abord, les gains tirés des brevets et « des droits assimilables » peuvent faire l’objet d’un abattement de 90 %. Autrement dit l’entreprise qui gagne 20 millions avec un brevet ne reporte que 2 millions sur sa déclaration d’impôt.
Deuxièmement, une règle bizarre permet de déduire non pas 100 %, mais 150 % des frais pour la recherche. Troisièmemement, un dispositif de « Step-up », anglicisme barbare, permet aux entreprises de faire réapparaître leurs réserves latentes sans payer d’impôt. Enfin, cerise sur le gâteau, les entreprises pourront désormais déduire des intérêts fictifs sur leurs fonds propres « excédentaires ». Ce sont les fameux «intérêts notionels», nouvel anglicisme mal traduit. Concrètement, le taux d’intérêt applicable pour le calcul de cette déduction fictive sera élevé pour les entreprises internationales et bas pour les entreprises suisses (obligation de la Confédération).
Encaisser l’impôt avec ce dispositif revient à puiser l’eau avec un panier à salade ! A tel point que, saisie de vagues remords, la majorité du Parlement a décidé que le cumul des abattements ne pourrait pas diminuer de plus de 80 % le bénéfice imposable. Ce morceau de scotch apposé sur quelques trous au fond du panier ne le rend pas moins scandaleux. Alors que la suppression des statuts spéciaux était censée rétablir l’égalité de traitement et améliorer l’imposition des entreprises, la réforme aboutit au résultat inverse. Davantage de bénéfices échapperont à l’impôt. Un comble.
Le projet fédéral siphonne les caisses cantonales et communales
Les astuces décrites ci-dessus doivent, à quelques nuances près, être implantées dans le droit cantonal. Dans le canton de Vaud, vu le lobbying d’enfer mené par l’ancien Président du Conseil d’Etats, Pascal Broulis, il est certain que tous ces prétendus outils seront implantés et utilisés au maximum possible. Quels en seront les effets ? En jonglant avec les déductions, les fameuses sociétés à statuts spéciaux payeront encore moins d’impôts qu’aujourd’hui. Alors qu’elles étaient censées payer environ 7,5 % d’impôt cantonal et communal au total, elles pourront faire baisser leur facture à 1,5%. Au final, elles recevront donc le beurre et l’argent du beurre. Ces recettes manqueront cruellement dans les caisses cantonales et communales.
Si la RIE III fédérale est acceptée, la possibilité d’introduire de nouvelles astuces pourrait venir déséquilibrer le volet fiscal du paquet vaudois. On voit donc que le même souci d’équilibre et de justice qui nous a conduit à accepter le dispositif cantonal doit nous amener à renvoyer sèchement le paquet fédéral à l’expéditeur le 12 février 2017.