J’ai vécu de l’intérieur la votation sur le référendum, en tant qu’observateur du Conseil de l’Europe. Déployé dans la banlieue d’Istanbul, je n’ai, personnellement, observé aucune anomalie notable, mais je n’en reste pas moins très critique quant au résultat de ce scrutin que M. Erdogan ne pouvait en définitive pas perdre. Tout a été méticuleusement orchestré : un état d’urgence qui a empêché à des centaines de milliers de kurdes de voter dans le sud-est du pays, une propagande unilatérale dans les médias avec plus de 90 % du temps d’antenne sur les télévisions publiques en faveur du oui, une presse muselée avec 128 journalistes emprisonnés (soit le tiers de l’ensemble des journalistes emprisonnés dans le monde), un engagement total de l’appareil d’état en faveur du oui, un affichage démentiel unilatéral. La cerise sur le gâteau : l’annonce durant la journée de dimanche, par la haute Cour de surveillance des élections, que des bulletins non timbrés pourraient également être validés, ce qui rendait possible le bourrage des urnes.
Je ne sais si cela a été le cas. Tout ce que je sais, c’est que la Turquie s’est encore un peu plus éloignée de l’Europe et de la démocratie. Une prochaine étape semble s’amorcer : un nouveau référendum, cette fois pour la réintroduction de la peine de mort, au risque de franchir définitivement la ligne rouge. Ce qui ne semble pas préoccuper la mouvance conservatrice qui, dans son adoration d’un homme, semble avoir fait le choix d’une dérive autoritaire.
Un bien triste dimanche de votation, qui augure un avenir de plus en plus sombre pour la Turquie.