Blog de Mathilde Crevoisier, membre du comité directeur des Femmes* socialistes suisses
Depuis toujours, les métiers de la santé et des soins, de la petite enfance ou de la vente souffrent autant d’un manque de considération que d’une rémunération grossièrement sous-évaluée. Et ce, alors qu’ils représentent un pilier central de l’économie. Le fait que ces professions soient exercées en majorité par des femmes n’a rien d’une coïncidence. Au-delà du manque de reconnaissance, les bas salaires des métiers dits « féminins » perpétuent les inégalités économiques qui frappent les femmes et les exposent davantage à la pauvreté, durant la vie professionnelle mais aussi à la retraite.
Depuis la grève des femmes du 14 juin 2019, le coronavirus est passé par là : il a rebattu les cartes et mis en lumière l’importance systémique des métiers principalement exercés par des femmes. Un constat qui n’a pas échappé à la présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga, qui s’est exprimée fin avril en faveur d’une augmentation des salaires : « Sans ces personnes, rien n’aurait fonctionné. (…) La perception de l’importance du personnel de la santé, des soins, de la vente et de la logistique pour le système a considérablement changé pendant le confinement. [1] »
Effectivement, désormais, tout le monde ou presque s’accorde sur la nécessité de revaloriser ces métiers. Mais s’ils sont d’accord sur le fond, les milieux économiques brandissent le sempiternel argument de la conjoncture économique pour doucher toute velléité d’augmentation salariale. S’il est vrai que, coronavirus oblige, les perspectives ne sont désormais plus au beau fixe, l’argument reste une excuse toute faite. Car lorsque l’économie ronronne, comme c’était le cas il y a encore quelques mois, il y a toujours une autre raison pour ne pas entrer en matière sur des hausses de salaire. Cette logique est pourtant à géométrie variable : lorsqu’il est question de supprimer les dividendes des sociétés durant l’année du coronavirus, les milieux économiques sont beaucoup moins prompts à lier la rémunération à la conjoncture !
Sur le plan politique, alors que la Suisse manque de personnel soignant, l’initiative « Pour des soins infirmiers forts » est un exemple typique du manque de considération des politiques libérales pour une profession pourtant essentielle. Bien qu’elle bénéficie d’un large soutien populaire, elle a été sèchement rejetée par le Conseil fédéral, puis par le Conseil national en faveur d’un contre-projet indirect. L’initiative se trouve actuellement entre les mains du Conseil des États – un dossier que les Femmes* socialistes suivent avec attention.
Durant l’année écoulée, les Femmes socialistes ont revendiqué à plusieurs reprises une revalorisation des métiers exercés en majorité par des femmes. Au mois d’avril, elles ont notamment lancé un appel à la création d’un groupe de travail pour les professionnel.le.s de la petite enfance, en vue de dresser un bilan précis de la situation et d’avancer des solutions qui tiennent compte de la réalité du terrain.
Dans sa stratégie de sortie de crise présentée en avril, le Parti socialiste a relevé le rôle de premier plan joué par les femmes dans les métiers des soins, de la santé, du nettoyage, du secteur alimentaire, de la distribution ou encore de la logistique. Le parti a bien compris l’importance de la question en plaçant ces métiers au centre de son programme conjoncturel et en appelant, par la voix de Tamara Funiciello, coprésidente des Femmes* socialistes, à un « plan féministe de relance économique ».
Au-delà des applaudissements, les Femmes* socialistes entendent maintenir la pression. L’élan de solidarité de ces derniers mois doit déboucher sur des mesures concrètes en faveur des métiers d’importance systémique : des salaires plus élevés, de meilleures conditions de travail, un renforcement de la formation. La société doit tirer des leçons de la crise du coronavirus et en profiter pour jeter les bases du changement. Sur l’échiquier socio-économique, la position des femmes doit refléter la valeur de leur travail.
[1] Interview du 24.4.2020 au groupe Tamedia