Afin de faire progresser le canton de Berne sur la voie d’un secteur agricole et alimentaire
neutre pour le climat au sens de l’objectif de zéro émission nette, le Conseil-exécutif est
chargé :
1. de présenter de manière circonstanciée les émissions de gaz à effet de serre du secteur
agricole et la contribution de ce dernier à la séquestration du CO2, notamment dans les
sols, et de mettre en évidence le potentiel d’amélioration de ce bilan ;
2. de renforcer l’information, la formation initiale et continue, ainsi que la vulgarisation destinées aux agricultrices et agriculteurs en recourant au savoir-faire et aux outils disponibles à
la Haute école spécialisée bernoise BFH-HAFL, à la Wyss Academy for Nature et dans les
organisations agricoles ;
3. de lancer un programme pour promouvoir les exploitations agricoles pilotes qui souhaitent
tester des possibilités d’élevage, d’utilisation du sol, de transformation et de commercialisation plus respectueuses du climat ;
4. de procéder à un examen approfondi des mesures énumérées dans le rapport relatif à l’article sur la protection du climat de la Constitution cantonale bernoise et, le cas échéant, de
les mettre en œuvre dès que possible ;
5. de prévoir d’autres mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans
d’autres secteurs de l’industrie alimentaire également.
Développement :
Le changement climatique pose un double défi à l’agriculture : celle-ci doit à la fois s’adapter au climat et réduire ses émissions nuisibles pour le climat. Le message pour la votation sur l’article
sur la protection du climat, qu’une nette majorité du peuple bernois a décidé d’inscrire dans la Constitution cantonale le 27 septembre 2021, a aussi mis en évidence ce double défi. Dans son
rapport, la commission du Grand Conseil qui a élaboré le mandat constitutionnel d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 précise qu’en Suisse, environ 13,5 pour cent des gaz à effet de
serre (GES) nuisibles pour le climat proviennent de l’agriculture. La commission estime qu’une réduction complète, certes praticable dans d’autres domaines, relève de l’impossible dans le
secteur agricole. Aussi faut-il « des mesures qui fixent le CO2 afin de ramener les gaz à effet de serre à zéro ». À la différence d’autres cantons, Berne ne dispose pas encore d’un tableau clair
de la problématique et des solutions possibles dans l’agriculture (contrairement à d’autres domaines politiques au niveau cantonal comme l’énergie, les bâtiments et les transports).
Concernant le point 1 : dans le rapport consacré à l’article sur la protection du climat, l’agriculture figure, avec les transports, les bâtiments et l’industrie, parmi les domaines dans lesquels le
canton de Berne peut agir lui-même, en appliquant le droit cantonal, sur au moins 50 pour cent des émissions de CO2. Cependant, hormis pour le secteur des bâtiments, des données cantonales sur les émissions de GES et leur évolution font défaut. Pour remédier à cette lacune, le point 1 demande l’élaboration et la collecte de données statistiques de base. Il convient de présenter de manière circonstanciée le bilan des GES émis par l’agriculture bernoise, afin de couper aux opinions ou idées préconçues et de tenir compte de la topographie des régions d’herbages et de montagne (cf. par exemple l’ouvrage « Die Kuh ist kein Klimakiller » et d’autres publications similaires). Il importe, en particulier, de distinguer les émissions de CO2 résultant de la consommation d’énergie fossile pour les bâtiments, les machines et les véhicules des émissions de GES dues à l’élevage (surtout le méthane, CH4) et à l’exploitation des sols (surtout le protoxyde d’azote issu de la fertilisation azotée, N2O). (Remarque : le canton des Grisons estime que seulement 8 pour cent des GES de l’agriculture grisonne proviennent de la consommation d’énergie, 92 pour cent des GES étant attribuables à l’élevage et à l’exploitation des sols). Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que l’agriculture peut fournir une contribution positive à la neutralité climatique en augmentant la capacité de stockage de carbone des sols et en produisant de l’énergie renouvelable.
Concernant le point 2 : afin de relever le double défi mentionné en introduction, le point 2 demande de renforcer l’information, la formation initiale et continue, ainsi que la vulgarisation, et
ce aussi bien en vue d’une réduction des émissions de GES que d’une adaptation au changement climatique. Outre les risques graves et les inconvénients majeurs qu’il convient de réduire
au strict minimum par une adaptation précoce, le changement climatique recèle aussi pour l’agriculture d’opportunités qu’il convient d’exploiter (comme des périodes de végétation plus
longues). Il s’agit d’accroître les efforts engagés, en particulier par l’INFORAMA, et de leur donner la priorité. Lorsque les objectifs sont contradictoires (p. ex. avec le bien-être animal), il convient de procéder à une pesée des intérêts. Dans ce domaine d’action, le canton de Berne peut mettre à profit la proximité de deux institutions de recherche de premier plan : tant la Haute
école spécialisée bernoise des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) que la Wyss Academy for Nature, active au niveau international, disposent d’un savoir-faire et de
moyens importants pour fournir un appui à l’agriculture bernoise dans sa transition vers un secteur agricole et alimentaire visant un impact neutre sur le climat. Les organisations agricoles
disposent elles aussi d’outils, d’expériences positives et de listes complètes de mesures possibles que les quelque 9000 exploitations agricoles bernoises pourraient et devraient utiliser (cf.
à titre d’exemple le bilan énergétique et climatique pour les agricultrices et agriculteurs ainsi que la liste de mesures proposés par AgroCleanTech ; www.bilan-energie-climat.ch / système à points d’IP-Suisse : www.bauern-fuer-klima-und-umwelt.ch / listes d’idées du projet « Klimaneutrale Landwirtschaft Graubünden » : www.klimabauern.ch).
Concernant le point 3 : dans le canton des Grisons, le projet « Klimaneutrale Landwirtschaft Graubünden » issu de milieux paysans a vu le jour. Dans le cadre d’une phase pilote, 50 exploitations différentes (sélectionnées parmi 120 candidates !) testeront jusqu’en 2025 leurs possibilités de réduction des émissions de GES, dans le but d’accompagner ensuite le déploiement des efforts sur l’ensemble du territoire en qualité d’ambassadrices et de pionnières d’une agriculture neutre pour le climat. Ce projet paysan a été intégré dans le plan d’action cantonal « Green Deal für Graubünden », adopté par le Grand Conseil grison le 19 octobre 2021 par 93 voix contre 17. Le projet, qui s’est vu accorder une contribution cantonale de 6,4 millions de francs pour la phase pilote, a été paré d’une visée s’inscrivant dans le long terme : « Les Grisons deviennent le premier canton de Suisse où les consommatrices et les consommateurs ont la certitude, lors de leurs achats de denrées alimentaires grisonnes, que celles-ci sont issues d’une production neutre pour le climat. »
Plus grand canton agricole de Suisse et fier de l’être, le canton de Berne est prié au point 3 de développer des ambitions similaires à celles des Grisons et de lancer un programme comparable pour des exploitations agricoles pilotes. Un tel programme permettrait en outre de montrer de manière pratique que (et comment) les exploitations conventionnelles, tout comme les exploitations IP-Suisse et bio, peuvent et doivent apporter une précieuse contribution à la réduction des émissions de GES. Ce faisant, il serait possible de donner une perspective d’avenir à toutes les exploitations agricoles bernoises, et pas seulement à celles ciblées par l’offensive Bio cantonale.
Concernant le point 4 : après que le peuple a plébiscité l’ancrage de l’article sur la protection du climat dans la Constitution cantonale, le Conseil-exécutif est également chargé de procéder à
un examen approfondi des mesures énumérées par la commission du Grand Conseil dans son rapport et à les mettre en œuvre dès que possible. Bien entendu, la demande exprimée au
point 4 ne doit pas exclure que d’autres mesures ou options soient prises en considération, par exemple à partir de vastes plans stratégiques, de planification et d’action que d’autres cantons
ont publiés depuis mai 2021, par exemple : Plan climat cantonal (FR), Klimakompass (AG), Aktionsplan Green Deal Graubünden (GR) ou Planungsbericht Klima- und Energiepolitik (LU).
Concernant le point 5 : à Fribourg, le Plan climat cantonal repose sur un bilan climatique global, dans lequel l’agriculture est prise en compte en tant que pan important du secteur alimentaire.
Dans cette optique élargie, le plan attribue au secteur agricole et alimentaire 33 pour cent des émissions directes de GES générées sur son territoire. Il explique ce constat par le poids du
secteur agricole et en particulier de l’économie laitière dans le canton de Fribourg, tout en soulignant par ailleurs l’impact significatif des importations alimentaires sur le climat : leurs émissions de GES (produites à l’étranger) se révèlent plus importantes que les émissions de protoxyde d’azote dues à la fertilisation dans le canton et presque aussi importantes que celles de
méthane dues à l’élevage de bétail. Ces indications montrent bien que la voie vers la neutralité climatique dans l’agriculture bernoise doit aussi inclure d’autres domaines du secteur alimentaire, à savoir toute la chaîne de production, la distribution, la commercialisation et la consommation de denrées alimentaires.
Des mesures concrètes en faveur de produits agricoles respectueux du climat pourraient en particulier être développées et mises en œuvre sur le modèle de l’offensive Bio bernoise.
Dans l’ensemble, la présente intervention vise à compléter et à concrétiser les mesures prévues dans la stratégie environnementale de la Direction de l’économie, de l’énergie et de l’environnement DEEE 2021. Le canton de Berne est le premier canton à disposer d’un mandat constitutionnel global en matière de protection du climat. Il est donc invité à avancer de manière systématique et résolue sur la voie d’un secteur agricole et alimentaire visant un impact neutre sur le climat.