Transport de prisonniers, contrôle d’identité à l’entrée des établissements pénitenciers de la plaine de
l’Orbe (EPO) avec fouille des voitures ou patrouilles aux abords de la prison de la Croisée, par du personnel
armé, flanqué de chiens : toutes ces tâches sont actuellement effectuées par des entreprises de sécurité
privées.
En effet, il semblerait que le Canton de Vaud recourt de plus en plus fréquemment aux services
d’entreprises de sécurité privées, pour remplir une partie des missions sécuritaires qui lui incombent, faute
d’effectif. Le Canton délègue ainsi des tâches étatiques essentielles à des employés travaillant pour des
entreprises à but lucratif. Ce Grand Conseil s’est déjà inquiété par le passé de voir un recours aux agents de
sécurité privée à l’intérieur des établissements pénitentiaire, et plus seulement en périphérie ou à l’entrée.
Le monopole de l’usage de la force est un élément constitutif de notre société ; il est lié au devoir de
respecter et de protéger les droits fondamentaux des citoyens, raison pour laquelle l’application de la
loi est réservée à l’État. Ainsi, la législation réglemente et légitime directement la structure et le
déploiement des autorités de police ; les agents ou les employés directement intégrés à l’équipe
d’encadrement sont assermentés, ils suivent des ordres et des directives et sont placés sous le contrôle
direct de leurs supérieurs. Ils servent enfin exclusivement l’intérêt public, puiqu’ils ont un seul employeur,
une collectivité publique, et travaillent uniquement dans leur domaine d’intervention. Cette « courte »
distance de contrôle revêt une importance particulière lorsqu’il s’agit d’effectuer un contrôle direct, si
nécessaire violent, des droits des personnes.
L’accomplissement d’une tâche régalienne, par des personnes privées, est considéré
comme constitutionnellement admissible lorsque son exécution peut être supervisée ou contrôlée par
l’État ; ceci requiert une formation adéquate, une supervision adéquate et un contrôle par des organismes
publics. Les experts en droit s’accordent sur le fait que la délégation d’exécution de tâches sécuritaires par
des particuliers dépend notamment de la mesure dans laquelle les droits fondamentaux sont affectés ; elle
dépend donc :
de l’intensité de l’interférence;
de l’étroitesse du lien existant entre l’activité et l’utilisation potentielle de la coercition;
de l’importance de la marge de manœuvre discrétionnaire de la personne qui exécute la tâche et de
la manière dont la personne qui exécute la tâche doit s’acquitter de ses tâches;
de la protection juridique.
Ainsi, ils concluent les missions ci-dessous touchent des zones sensibles, en termes de droits
fondamentaux, et ne devraient pas être exécutées par du personnel employé par des entreprises de
sécurité privées :
les tâches qui touchent au monopole de la punition, à l’exception de missions auxquelles aucun
pouvoir discrétionnaire n’est attaché, comme le contrôle de la zone de stationnement bleue;
les expulsions individualisées, comme les expulsions liées aux violences domestiques, les expulsions
de personnes marginalisées (drogue (consommateurs de drogues), de squatters ou de manifestants.
Selon les auteurs de l’étude référencée en fin de texte, il est admis de confier les tâches suivantes à un
personnel employé par des entreprises de sécurité privées:
les détentions, dans le cadre d’une manifestation et du code de la route;
la garde de prisonniers ou le transfert de prisonniers (transports des prisonniers / gardiennage).
Il n’est, par contre, pas admis de confier les tâches suivantes à des entreprises privées :
la fouille de personnes et de locaux;
les contrôles de police et contrôles de personnes dans les lieux publics;
l’interrogatoire et ;
d’autres mesures policières standard à caractère coercitif.
Préoccupé par l’augmentation du nombre de tâches confiées aux sociétés de sécurité privées dans
l’exécution de tâches sécuritaires dans les établissement pénitenciers et considérant que la délégation de
tâches sécuritaires à une entreprise privée pose des questions en ce qui concerne notamment la
responsabilité des entreprises privées, les compétences de leur personnel et le port d’armes à feu, le
groupe socialiste a l’honneur de demander au CE :
de faire un état de lieux des tâches sécuritaires confiées à des entreprises privées dans le domaine
pénitentiaire, en présentant notamment l’évolution du nombre de mandats et des sommes y
affectées durant ces dix dernières années ;
de produire une analyse comparée des formations délivrées effectivement aux agents pénitentiaires
et agents de sécurité ;
de détailler les mesures de contrôles déployées en vue d’assurer son devoir de contrôle étroit des
tâches déléguées à ces entreprises de sécurité ;
de se positionner sur le contrôle d’identité, la fouille des voitures et le port d’armes par des personnes
travaillant pour des entreprises privées, alors qu’elles effectuent des tâches régaliennes.